Après avoir rangé le K1 sur la remorque du SKC, une seule envie domine : BOIRE. Dès le premier kilomètre, l’air sec et l’effort génèrent une soif intense, qui n’a fait que s’accroitre au cours de la course. C’est presqu’une bouteille complète de flotte qui passe dans mon gosier desséché ! Le temps d’aller remercier Jan « Seppe » Leysen pour la jolie course en K1 que nous avons partagé, la « dream team » du K4 SKC se regroupe.
Kristof Debruyne comme pilote, moi-même en seconde place, Yvette en trois et Quentin en quatre permet au club de s’aligner sur cette épreuve extraordinaire. La course sera lancée à 16h00. Dès 15h30, les équipages embarquent sur leurs longs cigares aux couleurs vives : direction le club de Kortrijk où le départ sera donné. Pour une épreuve de K4, un seul virage suffit.
Kristof profite de l’expérience vécue une semaine avant à Seneffe. Après un long entrainement, il est sorti du K4 avec les pieds en sang. La place est vraiment étroite, manier le stick du gouvernail oblige à forcer sur la commande. Ensuite quand le bateau doit reprendre sa ligne droite, c’est entre les orteils qu’il faut récupérer le stick pour le ramener au point neutre. Ce n’est vraiment pas une tâche facile. En plus de la direction et de la stratégie, le pilote doit également assurer le rythme. Vraiment un boulot compliqué. En plus Kristof nous a fait quelques départs en version « missiles de croisière », à faire pâlir les Tomahawk de Trump. Cette session d’essai à Seneffe a donc été pleine d’enseignement. Kristof s’est protégé les pieds avec du « tape » afin de ne pas trop se blesser en maniant le stick. Nous embarquons, cap sur Kortrijk.
La magie opère dès les premiers coups de pagaie. D’un sport ultra perso, ultra individualiste, voire d’égoïste profond, cela devient un sport d’équipe. Je n’y connais rien au tennis, mais j’imagine que c’est ce que doivent ressentir les joueurs quand il passe d’un match en simple à un match en double. Ou les cyclistes qui s’engagent sur un contre-la-montre par équipe. Chacun est là pour le groupe. Le processus s’enclenche en K4.
Jupettes obligatoires : la douche s’annonce dès le départ. Non que la météo risque de tourner (il fait près de 23° en ce dimanche après-midi) mais les assauts rageurs des kayakistes soulèvent des gerbes d’eau impressionnantes. En 10 minutes nous voilà à Kortrijk, les autres équipages arrivent au fur et à mesure. Si l’année dernière les équipes étaient relativement mitigées (en matière d’âge) ici , de nombreux K4 sont composés de jeunes seniors vigoureux, taillés en V et prêt à en découdre. Ce n’est pas grave, avec nos âges respectables, nous ferons honneur au bateau, au club et à la discipline. Un seul but : faire notre maximum. Après avoir tourné gentiment une ou deux fois, nous nous présentons sur la grille de départ. Nous sommes à l’extrême droite du canal, juste à côté de la berge.
Si ces longs bateaux font toujours penser aux naumachies romaines, les kayakistes affûtés font penser à un départ de relais 4x400 mètres. Il y a de la testostérone dans l’air… 16 bateaux s’alignent sur cet étroit canal. Quel spectacle. 63 pagayeurs avec le mord aux dents, une kayakiste de choc : notre Yvette prêt à en découdre. La concentration est à son comble.
Le départ est donné. Les K4 s’élancent. Le canal se transforme en un océan de vagues , de jets d’eau et d’embruns. Kristof lance notre machine à vive allure, mais sans excès. On sent qu’il en garde sous la pédale pour nous épargner. Il place le bateau parfaitement dans le sillage des autres concurrents. Il nous décale légèrement quand il le faut. Il sent, il vit, il respire le bateau. Le rythme diminue légèrement avant de reprendre une cadence digne du plus précis des métronomes. Kristof nous emmène avec conviction, force et un mental d'airain. Le cardio monte rapidement, dessinant une oblique surprenante. L’équilibre ne posant aucun problème, je me concentre sur la technique, sur la respiration, la synchro avec Kristof en tentant de donner à chaque coup de pagaie une puissance suffisante avec une double envie : faire avancer au mieux notre équipe, et éventuellement pouvoir soulager ceux qui commenceraient à sentir les effets de la fatigue. Tout se ressent sur un K4. Quand l’un commence à faiblir, les autres le perçoivent tout de suite. L’année dernière je n’avais pas ce feeling. Cette année pour la première fois j’arrive à le sentir. Alors je pousse au max. Le cardio s’emballe à nouveau mais c’est pour le bien de l’équipe. Que j’adore cette idée : l’intérêt collectif avant l’intérêt personnel ! Cela manque tellement dans notre société, où tout pousse à se replier sur soi.
Trêve de pensées philosophiques ! Pas de temps à perdre sur ce K4 qui arrive déjà aux bouées des 3.500 mètres. Christophe nous déporte dans la berge de droite avant d’entamer un superbe 180° tout en finesse. Derrière, Quentin nous fera un léger coup de dénage pour assurer le demi-tour sans encombre et nous voilà relancer. Le rythme est toujours soutenu. Mais immuable, précis. J’ai l’impression que la coordination entre nous 4 est impeccable. Aucun à-coup, pas de secousses, le bateau glisse avec délectation. On arrive aux derniers 500 mètres. Kristof nous encourage. Chacun jettent ses dernières forces, sur chaque coup de pale. Les corps sont exténués, les souffles courts, les muscles à la limite de la tétanisation. La libération vient lors du coup de corne de l’arrivée. Quelle aventure, quelle merveilleuse expérience. Sur la berge, Katrien, l’épouse de Kristof, nous a concocté un festival de photos que vous retrouverez dans le lien ci-dessous. Après quelques centaines de mètres en relax, nous rentrons à bon port pour aller profiter de notre victoire sur nous-mêmes et avoir atteint le but fixé : avoir tout donné, au mieux de nos capacités. Le temps de profiter du bar pour évoquer cette belle journée, nous rentrons chacun de nos pénates, avec la tête remplies d’images et d’impressions plus merveilleuses les unes que les autres. Un certain goût du Bonheur, non ?
Merci à l’organisation impeccable assurée par le HKV (Harelbeekse Kano Vereniging), et merci à tous ceux présents sur cette très belle épreuve.
Pour les photos, c’est ici, mille mercis à Katrieni :
https://flic.kr/s/aHskV1WWZG