En parlant de tartine... accrochez-vous !!!! Bonne lecture
Baptème et météo
Après un samedi pluvio-orageux, tous les yeux étaient rivés sur le site de l’IRM. Comment allait être ce dimanche 19 juin ? Au réveil, le ciel est dégagé. Ouf ! Le rendez-vous est fixé à 8 heures avec Estelle et Lulu devant nos hangars du CRB Aviron. Le temps de choper une « petite couque », de charger le Rivière d’Estelle, le K1 de Lulu et nous voilà en route. Dom et moi allons étrenner un Dag Biwok. Du Polyet, du lourd, du stable, mais avec une capacité supérieure à avancer aux éternelles Capri. Une péniche oui, mais une péniche avec quelques chevaux de plus… Et surtout le genre d’engin idéal pour nous rendre à Thieu. Peu avant 09h00, nous voilà sur le parking devant la salle louée par le CKT. Louis fait la circulation, dès qu’il voit un kayak sur un toit ou sur une remorque, il fait signe au conducteur de venir se garer. Kevin, Adrien et sa compagne, Louis et son épouse nous accueille chaleureusement, comme à chaque fois. En regardant le parking, on se doute que pas mal de monde est déjà présent. Des Brukeseleirs, des Seneffois, un Courtraisien, un Gantois, 3 kayakistes de Deinze, une flopée de membres du club de Roeselare (13) tout comme une autre flopée du club de Willebroek (13 également). Rudi qui s’entraine régulièrement à Vilvoorde est venu en double avec une amie d’enfance. Chouette de partager sa passion et de faire découvrir le kayak à d’autres. L’avenir de notre discipline passe aussi (et d’abord ?) par la rando, la balade, la découverte. Se rajoute à cela, les amis du Mava et de Beez. C’est avec plaisir que l’on retrouve J-P, Phil et Codie sur cet évènement. Ils sont venus avec d’un autre membre dont j’ai oublié le nom. (le kayak, dangereux pour la mémoire ? ). Pour Beez c’est Philippe et Yves, accompagné d’un couple (toujours la mémoire qui flanche) qui seront les représentants namurois.
En route
Le temps d’inscrire tout ce monde, et Kevin nous gratifie d’un briefing clair, net et précis. Ce n’est pas peu fier qu’il peut annoncer que nous sommes 71 kayakistes sur l’eau. SPLENDIDE. Bravo à l’équipe de Thieu, merci à Hilde d’avoir battu le rappel des troupes pour la Flandre, le succès de cette participation massive néerlandophone tient beaucoup à Hilde. Dank U Hilde. 10h30, tout le monde est embarqué pour prendre la direction du nouvel ascenseur. Après quelques centaines de mètres nous sommes aux pieds de cette cathédrale de béton. Le bac de gauche, à droite pour nous qui sommes en aval, (ça va ? vous suivez ?) est déjà ouvert, prêt à engloutir cette fournée de kayakistes. L’entrée reste toujours spectaculaire. Derrière ces pagayeurs en goguette, Louis et Jean-Michel Rivière assurent la sécurité à bord d’un petit bateau hors-bord. Le temps de laisser la porte se fermer et Jean-Michel nous donne quelques explications sur le fonctionnement de cet ascenseur. Construit pour accueillir les péniches de 1.350 tonnes (gabarit européen), deux bacs fonctionnent indépendamment avec un système de contre poids en béton installé à l’intérieur du bâtiment. Cet ascenseur rachète les 73,15 mètres de déniveler, compensé jusqu’en 2002 par les quatre anciens ascenseurs et deux écluses. Le plus grand ascenseur à bateau au monde est wallon, on peut réellement parler de ‘génie industriel’. Il a fallu 20 ans pour achever sa construction mais il a permis une croissance importante du volume transporté par voies fluviales. Entre 2004 et 2015, c’est de 80% de croissance qui résultent de la présence de cet ouvrage d’art, assurant une liaison performante entre le bassin de l’Escaut et celui de la Meuse. Une fois à l’intérieur, on est surpris par la rapidité du fonctionnement.
Science-Fiction
Quelques bruits étranges, les lignes tranchées des gigantesques structures en béton génèrent ce bon mot d’Estelle : « on a l’impression d’être dans un film de science-fiction ». Et c’est tout à fait vrai. Quelques vrombissements profonds se font entendre. Les symétries de la construction expriment le caractère ultra-fonctionnel de la construction. Nous voilà dans un remake wallon de Star Trek, à bord de « l’Enterprise ». Lulu serait le Captain Kirk, et je veux bien, pour une fois hein, jouer les Spock ! Dom serait Christine Chapel et Estelle serait Nyota Uhura, officier de communication de l’Enterprise… (Le kayak, générateur de délires ? Euh oui !!!). Du côté intérieur, les murs sont garnis d’une succession verticale de portes de secours. Si le bac se bloque, il n’y a plus qu’à sortir par là… et finir à pied ! Un peu comme les portes de sécurité que l’on peut trouver dans certains tunnels (auto)routiers, mais en version verticale. Au fur et à mesure de l’ascension la lumière diminue, et en arrivant à proximité du plafond, le bac ralentit tout en douceur pour terminer sa course sans le moindre choc. Le temps d’assurer l’étanchéité entre la porte du bac et celle du bief, et voilà que l’ouverture se produit, toujours en douceur. Nous reprenons nos coups de pagaies vers l’extérieur. Les berges sont douces et verdoyantes. Le long serpentin de kayakistes glisse sur l’onde. Une petite dizaine de kilomètres nous attend avant de piquer à droite vers l’ancien canal. Sur ce tronçon composé de longues lignes droites, nous passerons d’abord au-dessus d’un étrange pont. Nous voilà sur un aqueduc. Nous enjambons la grosse chaussée du Pont du Sart et son grand rond-point. En dessous de nous, les voitures roulent sans s’imaginer des millions de tonnes d’eau qui sont au-dessus de leur tête. Et aujourd’hui, des quelques dizaines de kayakistes en plus. Phil, l’homme de Codie, nous explique qu’il a participé au montage des capteurs de mouvements et de déformation de la structure de cet aqueduc. Passionnant. Le béton de la structure résulte d’un choix permettant de supporter les contraintes de poids (8 fois supérieur à un ouvrage routier habituel) un entretien quasi nul, et un coût inférieur à une construction métallique. Ce pont-canal a coûté 22,53 millions d’euros. Une structure métallique aurait coûté 30,119 millions d’euros (à l’époque tout cela s’exprimait en francs belges). Nous continuons nos coups de pagaie tranquille. Après un virage droit, nous voilà devant une autre structure étrange. Un pont ? Une passerelle ? Que nenni ! Une porte de sécurité qui ferme le canal du centre en cas d’urgence à l’aqueduc ou à l’ascenseur moderne. Cette porte permet d’éviter que l’ensemble du canal entre Ronquière, Viesville et ici (soit plus 35 kilomètres de canal) ne viennent noyer Le Roeulx, les deux Houdeng et plus loin Strépy, Bracquegnies et Thieu… Un scénario catastrophe qu’il vaut mieux éviter. Merci la porte!
Glorieux passé? Vraiment?
On continue notre ligne droite et l’on découvre un embranchement sur notre droite. On prend donc sur la droite. Quelques hauts quais accueillent de grandes péniches. Nous apercvons une « patte d’oie » devant nous. A gauche, une darse avec des quais, à droite une porte métallique semble flottée dans les airs. C’est par-là. Cette double porte fut construite en même temps que les anciens ascenseurs entre 1888 et 1917. On appelle cela des ‘portes de garde’. Constriute à l’origine en bois, elles furent très vite remplacé par des portes métalliques à guillotine. Elles sont commandées depuis le premier ascenseur. Cent mètres plus loin nous entrons dans le bac de l’ascenseur n°1. La taille de ce bac semble minuscule comparé au gigantisme de l’ascenceur moderne. Ici cela donne l’impression d’une grande baignoire. Et pourtant, les 71 kayakistes y prennent place ainsi que le bateau de sécurité. Par le passé ce sont des péniches de 300 tonnes qui s’y amaraient en attendant de franchir les 15 mètres de chute. La porte amont se ferme. Et voilà le bac qui descend. Ici, aucun bruit, nous sommes sur un « plateau » d’une gigantesque balance métallique. Alors que notre bac descend, l’autre entame son ascension. Notre bac pèse près de 1070 tonnes. Le bac montant fait 1000 tonnes. Il a fallu 4 années pour construire ce premier ascenseur. Cet assemblage de poutrelle métallique riveté dégage une double impression de solidité et de fragilité. Des forces gigantesques sont en présence, mais toutes sont en équilibre et se compensent. Une fois arrivé en bas, à quelques centimètres du bief aval, notre bac se vident de ses 70 tonnes ‘de trop’. La porte s’ouvre avec quelques difficultés. Ce patrimoine n’est pratiquement plus utilisé. Même les touristes hollandais sur leurs yachts, préfèrent gagner du temps en prenant le nouvel ascenseur. Un technicien joue les voltigeurs dans la structure supérieure de la porte. Après quelques minutes de suspens, la porte est tout à fait levée et verrouillée. Nous voilà à quelques centaines de mètres de la pause casse-croute. La cantine des Italiens voit débarquer ce groupe étonnant de kayakistes en balade. L’endroit est surprenant. Quatre blocs de briques et de tôles abritaient 8 chambres. Chaque chambre accueillait 8 personnes. Les industries de la région, et particulièrement les charbonnages, étaient des happe-chairs gourmands en main d’œuvre. En 1946, les usines Gustave Boël font construire ces baraques de fortune pour ‘accueillir’, parquer conviendrait mieux comme vocable, les immigrés italiens tentés par les promesses de revenus et de fortunes possibles en Belgique. C’est ici qu’ils passeront leurs premières nuits en attendant une affection à un puit. 70 ans plus tard, nous « fêtons » l’immigration italienne. Est-ce que dans 70 ans nous fêterons l’immigration afhganne, syrienne, irakienne en Belgique. Avec des avions qui renvoient les candidats dans leurs pays, alors qu’il n’y ont plus d’attaches, qu’il n’y ont plus rien, qu’ils ont dépensé des sommes colossales pour le voyage et les passeurs… Et qu’ils sont au mieux considérés comme traîtres, au pire menacé de mort, dès la sortie de l’avion. Y a-t-il de quoi fêter… même dans 70 ans ?
Algues traitresses
Ces réflexions sur l’(in)humanité de notre ‘accueil’ n’empêchent pas de nous sustenter. La cantine des Italiens accueillent un resto et une taverne. Par beau temps comme aujourd’hui, nous profitons des tables en terrasse entre les baraquements. Il fait magnifique. Une petite soupe, un pic-nic sympa et tout va bien. Vers 14h00, nous reprenons les bateaux. Le deuxième ascenseur nous attend. Peu avant, nous profitons du pont-tournant d’Houdeng-Aimeries. En 1900, c’est le tram qui passaient sur ce pont. Il est toujours actionné à la main pour laisser le passage à notre groupe. On arrive à l’ascenseur n°2. Il nécessitera 20 ans de construction pour compenser les presque 17 mètres de dénivelé. Les travaux de terrassements ont déplacé 500.000 m³ de terre. S’ensuivit 10 ans de travaux de maçonnerie, puis 10 ans de travaux pour construire les parties métalliques. Il fut achevé en 1913. Le passage se fait toujours en douceur. Nous sommes dans et devant une extraordinaire machinerie, comme si nous pouvions nous retrouver au cœur d’une ancienne horloge astronomique. Nous sommes les témoins privilégiés d’engrenages centenaires. Et si quelques soucis techniques se produisent, on peut aisément les pardonner à ces vieux messieurs de fer que sont ces ascenseurs. Le canal tournicote de temps à autres. Depuis la cantine des Italiens l’eau est envahie par des algues. En surface, une sorte de cresson flotte en une couche épaisse. Plus en profondeur des algues filamenteuses emprisonnent les pâles de nos pagaies ou les gouvernails de nos kayaks. Carl en est la première victime. Venu avec son nouveau surfski, avec un gouvernail prévu pour la mer, il déguste ! Les algues empêchent son bateau d’avancer. Yves du BBC se transforme en Touring-Secours du kayak. Un bout, deux mousquetons et voilà Carl qui se fait tracter par Yves et son Epic. Génial à voir. Notre Lulu réussit à franchir cette difficulté malgré le gouvernail de son K1. L’ami Bruno, également en K1 en fait de même. Chapeau à tous les deux. Les algues perturbent le coup de pagaie et donc l’équilibre précaire de leurs embarcations. On avance, il n’y a que 500 mètres entre l’ascenseur n°2 et le n°3. La forte pente du terrain permettait d’économiser en travaux de terrassement. Le passage de l’ascenseur n°3 génère quelques difficultés. Ces nombreuses algues bloquent les pompes qui permettent de remplir et vider les surplus d’eau des bacs. Il nous faut légèrement patienter. Différents opérateurs tentent d’ouvrir l’accès à l’ascenseur n°3 avec peu de résultat.
Sésame…
Quelques kayakistes impatients ne supportent cette petite attente. En amont de l’ascenseur n°3, les voilà entrain de débarquer et porter leurs kayaks. Tout cela est un peu navrant. Nous sommes en rando, pas besoin de speeder, on est dans un musée à ciel ouvert, où du personnel est mobilisé pour manœuvrer ces structures exceptionnelles pour notre passage, en plus un dimanche. De plus est-ce que l’on visite le Louvre au pas de course ? Est-ce que le Prado ou l’Hermitage se parcourent en basket en sprintant ? Est-ce que l’on se retrouve devant la joconde en ayant qu’une seule envie, ne pas la regarder ? Enfin, chacun fait comme il veut, mais les plus pressés auront raté un bon moment. Tant pis pour eux ! Une fois dégagé de ces encombrantes algues, l’ascenseur offre un passage en douceur. En contrebas, J-P et Yves ont eu la gentillesse et l’intelligence de nous attendre. La porte s’ouvre et l’on découvre un superbe bâtiment sur la droite. Ce château-fort moderne abrite la salle des machines de Bracquegnies qui contrôle les ascenseurs n°2 et n°3. Dans les tours, des accumulateurs de pression permettent d’assurer les fonctions annexes comme le levage des portes. Des bureaux et des ateliers s’y trouvent également. Nous arrivons sur la partie la plus impressionnante du parcours. Cet ancien canal est en hauteur. Les toits des maisons, au fur et à mesure de notre progression semblent s’enfoncer dans les berges. Entre les arbres, on découvre une vue splendide sur le nouvel ascenseur. A chaque ouvrage d’art, l’ancienne maison de l’agent qui opérait l’ouvrage affiche sur la façade la distance du prochain ascenseur ou du précédent. La vue se dégage encore, comme si le canal était suspendu. Arrive le 4ème et dernier ascenseur. Encore une merveille. La porte est déjà ouverte quand nous arrivons, les impatients ont vraiment eu tort. En arrivant au bout du bac, nous semblons vraiment être dans une baignoire flottant dans les airs. Plus rien ne nous retiens, comme si l’eau allait nous servir de piste d’envol, L’endroit est magique. La descente l’est tout autant. Quelle merveille ! Nous avons une chance folle de pouvoir être en ces lieux. Le final est grandiose. Nous sortons de ce dernier ascenseur. Théoriquement la balade se termine ici, mais nous avons de la chance, la petite écluse automatique qui permet de rejoindre le nouveau canal en contrebas est ouverte et ettend pour descendre. Elle enfourne ces kayakistes fatigués par une belle journée ensoleillée, d’une rando EXTRAORDINAIRE.
Croissants fertiles
Nous rejoignons les marches des escaliers sur la berge en face. Nous sortons à notre aise. Un peu coup de main à gauche à droite, et on voit Adrien et Kevin aider un maximum de pagayeurs à remonter sur la berge. Le dévouement pour que tout se passe au mieux..jusqu’au bout. Nous remontons les kayaks sur les toits et remorques. Louis et son épouse sont derrière la table du café et .. .des croissants. Génial comme idée, proposer les croissants à 16h30, il n’y a qu’à Thieux que l’on a cela. Et ces viennoiseries ont une saveur particulière ici. La remise des prix se déroulent dans une ambiance chaleureuse et conviviale. Les clubs de Roeselaere (vous saviez que le ville de Roeselaere a vu sa vie économique dynamisée par le percement du canal Roulers-Lys entre 1862 et 1872 ? La ligne de chemin de fer Courtai-Bruges de 1838 n’avait pas suffi.) et de Willebroek remporte la première place du nombre de kayakistes présents. Bravo à ces deux clubs, et puis bravo à tous les participants qui sont restés jusqu’au bout de cette splendide journée. Et mille bravos à toute l’équipe de Thieu. Une fois encore, cette rando était une réussite, surtout pour cette première depuis les récentes réparations des ascenseurs. Ce patrimoine (reconnu par l’Unesco) est une merveille. Le CKT nous permet de mieux l’approcher. Que tous, en soit en remercier.
Quelques infos intéressantes :
http://www.canal-du-centre.be/Education/Chc/Fr/ascenseurshydrauliques.htmlLes photos et films prises par Dom tout au long du parcours :
https://www.flickr.com/photos/132078890@N02/albums/72157669907030576 Et les kayakistes de Roeselaere ont également partagé leurs photos :
https://goo.gl/photos/r7STE78Xpt4rFg1GA